IranIran (actualité)Un pouvoir fracturé en Iran ; par Vincent Hugeux

Un pouvoir fracturé en Iran ; par Vincent Hugeux

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ImageL’express.fr : Les radiographies sont formelles: l’ossature du pouvoir iranien, malmenée sur le front intérieur par un semestre de rébellion post-électorale, a subi de multiples fractures, parfois ouvertes. Les plus graves paraissent irréductibles. Pis, ou mieux, le traumatisme déclenché par le scrutin présidentiel falsifié du 12 juin 2009 aura révélé ou amplifié d’anciennes fêlures, qui datent parfois de trois décennies. En clair, elles ont l’âge de la Révolution islamique.

Qu’on ne se méprenne pas. Si des organes vitaux semblent affectés, le patient a de la ressource et du répondant. A commencer par le monopole de la force armée. Le régime survit depuis des lustres aux prophéties de ceux qui le croient à l’agonie au point de prédire sa mort imminente. Et les médecins les plus avisés s’en tiennent pour l’heure à cette prudente formule: pronostic réservé.

La crise la plus aiguë de son histoire
Il n’empêche. Trentenaire au souffle court, la République islamique traverse la crise la plus aiguë de sa brève existence. Peut-être s’en sortira-t-elle. Reste à savoir dans quel état. Et dans quel Etat. Depuis l’accession à la présidence de l’imprécateur populiste Mahmoud Ahmadinejad, en 2005, la théocratie chiite rêvée par l’ayatollah Khomeini vit une mutation génétique à l’issue incertaine.
Souvent indéchiffrables, les rivalités qui déchirent sa nomenklatura esquissent pourtant les contours d’un système politique militarisé et en partie laïcisé. Dopés au patriotisme, les mutants qui l’animent tendent à vider de leur sens les labels classiques. La ligne de faille ne passe plus entre conservateurs et réformistes, mais au sein même de la mouvance des "faucons", entre les adeptes de la fuite en avant et les autres. Leur viatique commun: l’instinct de survie.

Un trio mené par les dissensions
Au sommet, à ce stade, point de vainqueur, mais ce trio miné par les dissensions: un grand perdant, un élu en sursis et une garde prétorienne -les gardiens de la Révolution ou pasdaran- qui n’en finit plus d’étendre son emprise. Le perdant? L’ayatollah Ali Khamenei, guide de la Révolution et, à ce titre, autorité suprême supposée. En troquant son costume d’arbitre contre celui d’agent électoral d’Ahmadinejad, puis en s’empressant de valider la victoire frelatée de son poulain, le successeur de Khomeini, émissaire ici-bas du Mahdi -le messie du chiisme- a perdu ce qu’il lui restait de légitimité.

Son parti pris a aussi ravivé la controverse suscitée au sein de l’élite cléricale par la promotion éclair, à la mort de l’imam révéré, de ce clerc de rang moyen. Jadis intouchable, celui qui détient en théorie tous les leviers exécutifs, militaires, judiciaires et médiatiques est devenu au gré des manifs la cible de slogans dévastateurs. Le tabou ne s’en relèvera pas. D’autant que le hasard, qui sait être cruel, a voulu que s’éteigne le 19 décembre, huit jours avant la répression à balles réelles des émeutes de l’Achoura -une quinzaine de tués- le grand ayatollah dissident Hossein Ali Montazeri, dauphin désigné de l’imam Khomeini, détrôné au profit de Khamenei.

La mort en a fait un cadavre encombrant. On doit à Montazeri, implacable procureur de la "dérive fasciste" du pouvoir, le dogme du velayat-e faqih,fondement de la primauté absolue du religieux sur le politique. "Ce fut une erreur", confessera de Qom le coauteur de la Constitution de 1979, navré par le dévoiement d’un magistère qu’il souhaitait d’ordre moral. Aussi le régime a-t-il banni, à la matraque au besoin, la plupart des hommages posthumes à ce dignitaire religieux, le plus respecté d’Iran.

Passons au sursitaire. Mahmoud Ahmadinejad, "élu" des hommes, se porte à peine mieux que celui de Dieu. Le scrutin de juin dernier a terni l’aura divine du guide, mais aussi sapé l’autre pilier du pouvoir: la légitimité des urnes. Bien sûr, il se peut que le président aille au terme de son second mandat de quatre ans. Mais, s’il y parvient, il lui faudra en payer le prix: se plier aux desiderata d’un Parlement hostile à son aventurisme économique et volontiers maximaliste sur le front nucléaire; et acheter au prix fort la bienveillance des gardiens de la Révolution, son puissant corps d’origine. Tout indique que le mal élu ne pourra résister ni aux caprices des uns ni aux diktats des autres.

Fût-ce par défaut, et à titre provisoire, les pasdaran apparaissent comme les seuls vainqueurs du moment. Leur montée en puissance est indéniable. Forte d’environ 130 000 hommes, cette supermilice idéologique dispose de son armée de terre, de son aviation, de sa marine – maîtresse depuis peu de la surveillance du Golfe persique – et de ses services de renseignement. Mais aussi d’une unité d’élite, baptisée Al-Qods (Jérusalem), active sur les théâtres extérieurs, tel le Sud-Liban.

Loin de s’en tenir à leur vocation historique, les gardiens ont au fil des ans étendu leur influence à la sphère du business. BTP, construction navale, pétrole, télécommunications, banques, médias : ils contrôlent, grâce à un réseau tentaculaire de sociétés et de fondations, des pans entiers de l’économie iranienne. Sans compter les canaux clandestins d’import-export.

L’intrusion des pasdaran dans l’arène politique est tout aussi patente: outre le président, la plupart des ministres et une bonne moitié des députés sont issus de leurs rangs. Le clan des centurions joue en outre un rôle crucial dans le combat engagé contre la "vague verte", soulèvement civique brouillon mais vivace, animé par l’ancien apparatchik Mir Hossein Moussavi. Tâche sous-traitée pour l’essentiel auprès des bassiji, miliciens volontaires dévoués corps et âme au guide, même si leur loyauté paraît aujourd’hui aléatoire.

Suite sur : www.lexpress.fr/…orient/un-pouvoir-fracture-en-iran_840435.html

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