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En Iran, l’anniversaire de la révolution fêté sous forte tension

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ImageLe Monde:  Et maintenant ? Les célébrations du 31e anniversaire de la révolution islamique qui ont débuté lundi 1er février et culmineront par une journée de défilés et de manifestations, le 11 février, s’annoncent comme un test crucial pour la cohésion du régime et la survie du mouvement de protestation civile, né après l’élection contestée du président Mahmoud Ahmadinejad, en juin.

Surprises par l’ampleur et la résistance de ce mouvement spontané, sans structure ni organisation, qui a survécu à plus de 4000 arrestations, à la torture, aux "aveux télévisés" de procès orchestrés, les autorités fondamentalistes en place s’étaient cabrées, fin décembre. Les cérémonies du deuil chiite de l’Achoura avaient dégénéré. Pour la première fois, les forces de l’ordre avaient tiré sur la foule (faisant 8 morts). Pour la première fois aussi, les manifestants, en principe pacifiques, s’étaient rebellés, attaquant, comme à Téhéran, des miliciens bassidjis, fer de lance de la répression.

Depuis, l’inquiétude avait gagné les deux camps, devant les risques de dérapages de cette double radicalisation. De timides tentatives pour esquisser la voie d’un dialogue ont même eu lieu ces dernières semaines, de la part d’un pouvoir que l’on sait très divisé sur la réponse répressive à apporter à la contestation.

Ainsi plusieurs débats inédits ont été organisés à la télévision d’Etat sur la situation intérieure, auxquels ont surtout participé des suppôts du gouvernement, mais pas seulement. On y a vu des députés de la majorité critiques et même un professeur de science politique, Javad Etaat, proche de la figure de proue de l’opposition, l’ex-premier ministre et candidat malheureux à l’élection de juin, Mir Hossein Moussavi, évoquer les fraudes électorales et réclamer que soient appliqués les "droits donnés aux citoyens par la Constitution". Mais le record enregistré par l’Audimat a incité le gouvernement à faire machine arrière et à mettre un terme à cette "ouverture" jugée contre-productive.

Ensuite, pour calmer le scandale suscité par les révélations de Mehdi Karoubi, l’autre chef de l’opposition, sur la prison secrète de Kahrizak, tenue par les services de renseignement où des détenus sont morts sous la torture ou ont été violés, le pouvoir s’est trouvé un "bouc émissaire" : lâchant le jusque-là très redouté procureur de Téhéran (impliqué dans la mort en prison de la journaliste irano-canadienne Zahra Kazemi en 2003) Saïd Mortazavi, démis de ses fonctions et soumis à enquête.

De leur côté, les chefs de la contestation ont multiplié les déclarations pour calmer le jeu, se présentant comme des "soutiens" de la République islamique et de son Guide suprême l’ayatollah Khamenei, mais pas de son président Mahmoud Ahmadinejad.

Rien n’y a fait et l’annonce, vendredi 29 janvier, de la pendaison de deux "manifestants" (des personnes arrêtées en réalité trois mois avant l’élection de juin) a gelé tout espoir de conciliation. Pour preuve, notent les analystes, le même jour, les partisans du grand ayatollah dissident Ali Montazeri qui commémoraient, selon la tradition chiite, le 40e jour de deuil après sa mort ont été attaqués par les miliciens à Najafabad, sa ville natale. Et à Qom, la ville sainte où il résidait, l’entrée de son domicile était ceinturée par un cordon de police.

Enfin, à la prière du vendredi à Téhéran, l’ayatollah Jannati a lancé un mot d’ordre sans équivoque: "Pour la gloire de Dieu, plus d’opposants doivent être exécutés!" "Depuis des mois, le noyau fondamentaliste au pouvoir qui soutient Ahmadinejad hésite sur le dosage exact de répression et de terreur à utiliser pour décourager la contestation, nous a confié, par téléphone, un journaliste iranien proche des réformateurs. Il semble que pour les fêtes du 22 Bahman (11février), ce noyau ait tranché: ils feront de cette journée un jour d’épopée nationale contre "les forces de l’anti-révolution", comme ils les appellent. On peut s’attendre à tout, y compris à un bain de sang."

D’autant que la répression s’est encore accrue: plus de 150 arrestations ont été effectuées après l’Achoura; 9 autres contestataires ont été condamnés à mort et un procès de 16 manifestants, dont plus de la moitié pourrait finir sur le gibet s’est ouvert samedi. De plus, les mesures d’intimidation se poursuivent, quinze journaux ont été menacés de fermeture s’ils reproduisaient des propos des chefs de l’opposition et la police fait circuler des photos de manifestants, appelant à la délation. Dimanche, le chef de la police, Hamadi Moghaddam, s’est vanté d’avoir réalisé ainsi "70% des dernières arrestations, grâce au soutien indéfectible du peuple".

En réaction, MM. Moussavi et Karoubi se sont réunis pour lancer un appel commun à manifester pacifiquement mais en nombre le 11 février. La vidéo prise par Sahamnews a fait le tour d’Internet. Là aussi, c’est un pas de plus vers l’épreuve de force: lors des précédentes manifestations officielles, "vampirisées" par l’opposition pour se faire entendre, les chefs du mouvement s’étaient abstenus d’appeler à manifester, pour garder le côté spontané de la désobéissance civile.

Premier test, la cérémonie commémorant, lundi, le retour de l’ayatollah Khomeiny en Iran. Elle aura lieu, non au mausolée de l’imam comme à l’accoutumée, mais au cimetière de Behecht-e-Zahra, plus facile à contrôler. C’est un proche du Guide, Hadad Addel, qui lira le discours. En signe de désaccord, la famille Khomeiny, très critique des dérives autoritaires du régime, n’avait pas précisé si elle assisterait ou non.
Marie-Claude Decamps

http://abonnes.lemonde.fr/proche-orient/article/2010/02/01/en-iran-l-anniversaire-de-la-revolution-fete-sous-forte-tension_1299361_3218.html

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