LEMONDE.FR avec AFP, 23 mai – Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a ouvert un nouveau front avec ses opposants au sein du camp conservateur en insistant pour assurer l’intérim du ministère du pétrole malgré l’avis négatif du conseil constitutionnel.
L’ANCIEN MINISTRE DÉBARQUÉ ET REMPLACÉ PAR M. AHMADINEJAD
Le président va garder la direction du ministère du pétrole, a affirmé, dimanche 22 mai, sa conseillère pour les affaires légales, ignorant un avis du Conseil des gardiens de la Constitution selon lequel le président n’a pas le droit d’assurer l’interim d’un ministère.
M. Ahmadinejad avait annoncé le 15 mai sa décision de prendre provisoirement le maroquin du pétrole, après en avoir démis son titulaire dans le cadre d’une restructuration du gouvernement prévoyant notamment de fusionner ce ministère et celui de l’énergie.
Cette décision a suscité des spéculations sur l’intention éventuelle – non confirmée officiellement jusqu’à présent – de M. Ahmadinejad d’assister à la prochaine réunion ministérielle de l’OPEP, le 8 juin à Vienne, d’autant que l’Iran préside cette année le cartel pétrolier pour la première fois depuis la révolution islamique de 1979.
MINISTRE GRÂCE À « SA LECTURE DE LA CONSTITUTION »
Certains opposants à M. Ahmadinejad ont contesté la légalité de sa décision, intervenue alors que la présidence est déjà sous le feu nourri du courant conservateur religieux dans plusieurs conflits.
Le Conseil des gardiens, dominé par ce courant, leur a donné raison dimanche. « Selon plusieurs articles de la Constitution […] le président ne peut pas assumer personnellement la responsabilité d’un ministère sans titulaire », a déclaré le porte-parole de cette institution.
« Le président a déjà annoncé sa lecture (…) de la Constitution sur la supervision des ministères », a répliqué la conseillère de Mahmoud Ahmadinejad à l’issue d’un conseil des ministres. « Donc le président est le ministre du pétrole par intérim », a-t-elle insisté.
RISQUE DE CONFLIT D’INTÉRÊTS
Plusieurs opposants conservateurs à M. Ahmadinejad ont aussi critiqué le bien-fondé politique pour le président de vouloir occuper ce portefeuille stratégique dans un pays qui tire 80 % de ses ressources en devises du pétrole. Ils ont avancé des risques de conflit d’intérêts et estimé, concernant le voyage éventuel à Vienne, que la présence du président à une réunion de simples ministres ne serait pas opportune.
Cette dispute politico-constitutionnelle intervient moins d’un mois après un conflit inédit du président avec le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, à propos du limogeage du ministre du renseignement Heydar Moslehi. M. Ahmadinejad s’est ostensiblement retiré de toute activité publique pendant dix jours, fin avril, après le veto du guide à ce limogeage.
Les deux camps ont lié cet épisode à une volonté de contrôler l’appareil de renseignement avant les élections législatives de 2012 et présidentielle de 2013, lors desquelles la présidence n’a pas caché son intention de présenter ses propres candidats contre la majorité conservatrice actuelle.
TENSIONS AU SEIN DU RÉGIME
Cette rébellion a suscité une violente réaction des ultraconservateurs, qui ont concentré leurs attaques contre le directeur de cabinet et principal conseiller du président, Esfandiar Rahim Machaie, accusé d’entraîner M. Ahmadinejad dans un « courant déviationniste » visant à détruire le régime.
Le conflit chronique de la présidence avec le Parlement s’est parallèlement réactivé ces dernières semaines avec une violente polémique entre M. Ahmadinejad et le président de l’Assemblée, Ali Larijani, qui a imposé un droit de regard du parlementaire sur la restructuration en cours du gouvernement.