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Face au défi nucléaire de l’Iran, l’Occident se dote enfin d’une stratégie

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Le Figaro, 2 juin – L’analyse de Pierre Rousselin* – George W. Bush a compris qu’il faisait fausse route. Son refus de parler à l’Iran l’enfermait dans une alternative stérile : ou bien accepter que la République islamique se dote de l’arme atomique, ou bien lancer une guerre encore plus hasardeuse que celle d’Irak pour détruire les installations nucléaires de Téhéran.

La Maison-Blanche aurait aimé s’appuyer sur une résolution musclée du Conseil de sécurité de l’ONU avant d’abattre un atout qu’elle conservait par-devers elle depuis la révolution islamiste de 1979. Les réticences russe et chinoise à l’idée de sanctions l’ont obligée à ouvrir son jeu avant, en espérant que cela aidera à l’obtention d’un consensus à l’ONU.

Désormais, et pour la première fois, Washington accepte de parler ouvertement à Téhéran, aux côtés des trois pays européens (France, Grande-Bretagne, Allemagne) déjà engagés dans des négociations avec l’Iran. Une seule condition : qu’il soit mis fin aux activités d’enrichissement pouvant permettre à Téhéran de se doter de l’arme nucléaire.

Ce geste spectaculaire, réclamé par les Européens, met la balle dans le camp des mollahs qui vont devoir expliquer leur refus. C’est très important parce que, depuis le début de la crise, l’Iran ne cesse de marquer des points dans les opinions publiques des pays de la région, où les États-Unis, surtout après la guerre d’Irak et l’arrêt de l’aide aux Palestiniens, sont considérés comme les fauteurs de trouble.

Les Iraniens refuseront de suspendre l’enrichissement en clamant leur droit à la maîtrise du cycle de production du combustible à des fins civiles. Cela étant, une première négociation peut s’engager sur la conditionalité du dialogue. Si l’Iran a vraiment envie de discuter avec les États-Unis – et cela reste à prouver –, il peut faire un pas en proposant, par exemple, de limiter l’enrichissement à des activités de recherche. En l’absence de compromis, les Iraniens auront du mal à faire croire qu’ils ne cherchent pas à obtenir la bombe. Désormais, en tout cas, il y aura, en Iran, ceux qui voudront faire un geste pour négocier et ceux qui ne le voudront pas. Cela ouvre singulièrement le champ politique.

En admettant que des pourparlers finissent par s’engager, l’on s’oriente vers des négociations semblables à celles que les États-Unis ont accepté de tenir avec la Corée du Nord, aux côtés de Séoul, de Pékin et de Moscou. Téhéran préférerait un tête-à-tête avec Washington mais cela affaiblirait le front des États membres du Conseil de sécurité de l’ONU et susciterait l’inquiétude des pays arabes qui redoutent par-dessus tout un grand marchandage entre l’Amérique et l’Iran chiite. L’ancien secrétaire d’État américain Henry Kissinger a suggéré d’élargir le forum d’éventuelles négociations à la Russie et à la Chine et d’en profiter pour établir des règles de non-prolifération applicables bien au-delà du cas iranien.

Il faudra surtout se mettre d’accord sur l’objectif des négociations. Là réside la grande inconnue dont dépend une éventuelle sortie de crise. Du côté occidental, il est clair que l’on veut s’assurer que l’Iran ne se dotera pas de l’arme nucléaire. Du côté iranien, les choses sont plus ambiguës et le marchandage envisagé ne se limite certainement pas à la question nucléaire.

Au-delà de la levée des sanctions économiques américaines, l’Iran souhaite d’abord des garanties de sécurité, pour se mettre à l’abri d’un «changement de régime» imposé par Washington. La république islamique voudrait aussi que ses intérêts stratégiques régionaux soient reconnus. En contrepartie, la question du terrorisme devra être mise sur la table. En Irak, les États-Unis et l’Iran peuvent se trouver des intérêts communs dans une stabilisation de la situation. Nous sommes toutefois loin d’un tel marchandage généralisé. La secrétaire d’État Condoleezza Rice a pris soin de le dire en limitant son offre conditionnelle de dialogue au dossier nucléaire.

Son geste représente tout de même l’aboutissement de cinq ans de débat au sein de l’Administration Bush. Principal tenant de la ligne dure visant à isoler l’Irak et à menacer la République islamique d’une opération militaire, le vice-président Dick Cheney a perdu la partie, au moins pour le moment. Il se trouve qu’au fil des ans, la hausse spectaculaire du cours du pétrole a nourri l’intransigeance iranienne sur le dossier nucléaire pendant que l’armée américaine s’enlisait en Irak, où les alliés chiites de Téhéran ne cessent de la harceler.

Depuis la lettre adressée à George W. Bush par le président Ahmadinejad, début mai, les appels s’étaient multipliés aux États-Unis en faveur d’une réponse sous forme d’une offre de dialogue. Celle-ci a été soigneusement préparée par l’Administration qui ne pouvait pas se permettre de faire un geste de détente à l’égard d’un pays dont le président veut «effacer Israël de la carte du monde» sans se prémunir contre les inévitables critiques qui s’ensuivraient. Ainsi, de nouvelles mesures dissuasives ont été peaufinées. Il s’agit notamment de sanctions financières à mettre en place en durcissant l’application par le système bancaire international des sanctions américaines existantes. Ces mesures peuvent être prises sans dépendre d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU et donc sans attendre l’aval de la Russie et de la Chine.

Offre de dialogue, recherche de consensus à l’ONU, sanctions financières, mesures incitatives proposées par les Européens, la stratégie occidentale à l’égard de Téhéran est en train de gagner en subtilité. Compte tenu de la gravité du défi que la république islamique pose à la communauté internationale, il est temps que tous les moyens diplomatiques soient mis en oeuvre pour mettre fin au chantage iranien.

* Directeur adjoint de la rédaction

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