Le Figaro: Par Delphine Minoui – Sous la braise, le feu. À peine les opposants iraniens s’étaient-ils accordé quelques semaines de répit – forcé par une violente répression – qu’ils ont repris, mardi soir, leur fronde à haut risque.
L’occasion était rêvée. Chaque année, une grande partie de la population a pour tradition de sauter au-dessus de petits feux de joie dans la nuit du mardi au mercredi qui précède l’équinoxe du printemps – et le Nouvel An iranien, célébré le 20 mars. Le rituel, hérité de la Perse préislamique, remonte selon les historiens à 1725 avant J.-C. Passé sous silence par la République islamique avant d’être récemment ravivé, le chahar shanbe souri (ou «fête du feu») est un véritable exutoire pour une jeunesse iranienne en mal de loisirs et en quête de liberté.
«Cette année, le rite est encore plus symbolique. C’est un moyen de protester à nouveau contre la fraude de juin dernier et la réélection de Mahmoud Ahmadinejad, même si l’espace imparti à la contestation se réduit de plus en plus», confie, par téléphone, une habitante de Téhéran, avant de rejoindre voisins et amis autour d’un petit autel de braises dressé discrètement au milieu de son impasse. Les plus téméraires, eux, se préparaient à de nouveaux accrochages avec les forces de l’ordre
Pour un régime dont la légitimité n’a jamais été autant mise à mal, ce défouloir social n’est pas vu d’un bon il. Craignant une nouvelle vague de protestation, le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, a prévenu, dès samedi, ses détracteurs. Cette fête n’a «aucune base religieuse. Elle apporte beaucoup de dégâts et de corruption et il est approprié de l’éviter ( ) C’est une sorte d’adoration du feu», a-t-il déclaré à l’agence de presse Irna. Un responsable de la police, dont les équipes ont été déployées en renfort à Téhéran, a, lui, demandé aux familles de «fêter chahar shanbe souri près de leur maison» car les policiers empêcheront «tout rassemblement sur les principales artères».