Mostapha Naderi avait 17 ans en 1988 et se trouvait dans la prison d’Evine depuis plusieurs années, dont cinq en isolement. Il est l’un des 250 rescapés parmi les 12’000 détenus dans deux prisons.
Il en a réchappé grâce à des problèmes de santé. Des fonctionnaires « sont venus. Ils ont appelé mon nom mais j’étais inconscient. Ils sont partis », dit-il dans un entretien à l’ats. Il aurait été incapable de répondre à la seule question posée dans des simulacres de procès: « soutenez-vous l’Organisation des Moudjahidine du peuple? » (OMPI, opposition désormais en exil).
M. Naderi a subi des abus comme des simulacres d’exécution ou des violences physiques. Membre du comité « Justice pour les victimes du massacre de 1988 en Iran » (JVMI) qui rassemble des personnalités internationales, Mme Yade dénonce « le silence de la communauté internationale » et la « lâcheté » de son pays qui fait des affaires avec Téhéran.
Commission d’enquête internationale exigée
Dans un document récent pour le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, la rapporteuse spéciale sur l’Iran Asma Jahangir rappelle que ces exécutions ont été « reconnues récemment par certaines personnes dans les niveaux les plus élevés de l’Etat ». Elle demande au gouvernement des investigations « minutieuses et indépendantes » pour établir les responsabilités.
Après près de 30 ans, « on avance », estime M. Naderi. Le rapport doit être discuté prochainement par l’Assemblée générale à New York. « Il faut une Commission d’enquête internationale », relève de son côté Mme Yade.
Elle ne voit pas « comment une enquête lancée par le gouvernement pourrait être indépendante » alors que certains de ses membres sont impliqués. Selon elle, il faut trouver de nouvelles fosses communes avant que le régime ne les détruise, mais aussi les procès-verbaux, et indemniser les proches des victimes.
Manifestation prévue à Genève
L’année dernière, des personnalités du JVMI étaient venues à Genève demander au Conseil des droits de l’homme une Commission d’enquête internationale après la révélation d’un enregistrement et de huit fosses communes. En été 1988, sur ordre de l’ayatollah Khomeini, quelque 30’000 prisonniers politiques membres ou proches de l’OMPI ont été exécutés en quelques mois.
Dans l’enregistrement d’août 1988 dévoilé en 2016, l’ancien ayatollah Hossein Ali-Montazeri, alors héritier du guide suprême de la révolution, dénonce le « plus grand crime » en Iran perpétré par les membres de la Commission d’amnistie, surnommée plus tard « Commission de la mort« , nommés par Khomeini. Il a ensuite été congédié et assigné à résidence, avant de décéder en 2009.
Parmi les membres de cette commission figurait notamment l’actuel ministre de la Justice Mostafa Pour-Mohammadi. Le fils d’Hossein Ali-Montazeri qui a dévoilé l’enregistrement a été condamné en novembre dernier à plusieurs années de prison.
Vendredi, une représentation symbolique des exécutions de 1988 est prévue sur la Place des Nations. Ce rassemblement doit dénoncer plus largement la situation des droits de l’homme en Iran.