OpinionPresse internationaleL’art de rater le coche du printemps iranien

L’art de rater le coche du printemps iranien

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Afrique Asie.fr: Par Jean Levert – A l’heure où le Maghreb et le Moyen-Orient sont en ébullition, où les peuples concèdent d’immenses sacrifices pour leurs libertés et que l’intégrisme s’apprête à leur voler la victoire, certains, à la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale française continuent à vouloir freiner la marche de ces nations, particulièrement celle du peuple iranien.

Bref retour en arrière. On se souvient de la stupeur générale qu’avait créée la révolte en Iran au lendemain de la mascarade électorale de 2009. Des millions d’Iraniens descendus dans la rue avaient appelé, avec une rapidité surprenante, à la fin de la dictature religieuse. La riposte du régime avait été sanglante, elle l’est toujours.

On se souvient aussi du regard effaré, désorienté des lobbyistes beaux parleurs pro-Téhéran qui, jusque là, s’étaient éreintés à dépeindre une situation si idyllique en Iran qu’ils avaient fini par y croire, osant même, sur les plateaux de télévision, parler sans rire et avec gravité de « démocratie » dans cette dictature religieuse.

On se souvient encore que, pour faire tenir le vernis de cette carte postale, les apologistes de la complaisance avec le fascisme religieux avaient pour habitude de peindre le plus noir possible le portrait du Conseil national de la résistance iranienne, le CNRI, et de sa principale composante les Moudjahidine du peuple, l’OMPI. Un trait blanc sur les mollahs et deux traits noirs sur l’opposition démocratique.

Or, après deux années d’émeutes et de révolte, quid du soutien populaire aux mollahs ?  Quid des fameux modérés de la théocratie ? Quid du processus électoral porté aux nues par ces faussaires ? Le château de cartes s’effondre et les « spécialistes » s’embarquent sur le radeau de la Méduse.

Désarçonné mais pas abattu, le lobby des mollahs continue à faire des siennes. Il suffit que l’opposition iranienne engrange une victoire de taille comme le soutien d’une majorité de députés suivi par une conférence exceptionnelle à Paris en présence de plus d’une quinzaine d’entre eux – de tous bords – pour que la machine à propagande s’emballe et pousse des cris d’orfraies. L’union sacrée contre le changement démocratique en Iran ne connaissant pas de frontière politique, on retrouve à la tête de la cabale, le 5 octobre à la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée, l’UMP Axel Poniatowski et le socialiste Jean-Louis Bianco pour reprendre à leur compte les médisances transmises par les ayatollahs contre l’opposition iranienne. Se prennent-ils pour des ayatollahs où des guides suprêmes pour se sentir aptes à faire la leçon à des députés courageux, las de l’immobilisme des fonctionnaires et du ballet des lobbies favorables aux échanges avec une dictature religieuse à bout de souffle ?

Les centaines de députés signataires considérant le régime iranien comme le principale obstacle à la démocratie dans la région, ont demandé au gouvernement français d’intervenir pour la protection du camp d’Achraf et d’ouvrir un dialogue avec le CNRI. Face à cette initiative de bons sens, qui signe l’échec d’années d’efforts pour modeler une fausse image de la situation et des forces en présence en Iran, les tenants de la complaisance n’ont eu d’autre recours que des effets de manches ; ils ont repris les formules éculées de la propagande de Téhéran qui, à force de trente années de répétition, finissent par fossiliser ceux qui les manient. Ils n’ont pas épargné leurs collègues, les prenants peut-être pour des naïfs ou des ignorants, influençables et incapables de discernement politique. On aurait envie de leur retourner le compliment.

Reste aussi la sempiternelle allégation d’absence de base sociale de la résistance en Iran. On se contentera d’évoquer le meeting du 18 juin 2011 où des dizaines de milliers de personnes sont arrivées de France et du monde entier jusqu’à Villepinte pour y assister, ce qui a fort impressionné les centaines de dignitaires, de parlementaires et d’hommes Etat de toute l’Europe et d’Amérique du nord venus apporter leur soutien.

Ainsi se posent trois questions essentielles :

1 – Ignorer une force aussi considérable, qui fait la démonstration de sa capacité à rassembler des soutiens politiques et populaires à l’échelle internationale, n’est-ce pas la marque d’une absence de vision, d’un esprit étroit et sectaire, perméable à une propagande obscure ne servant que quelques intérêts pétroliers mesquins, éloignés des intérêts des nations y compris la France en matière de paix, de sécurité et de démocratie ?

2 – A l’heure du printemps arabe et de la montée des intégrismes, stigmatiser la principale opposition iranienne qui prône un islam démocratique et tolérant, une république pluraliste et laïque, l’égalité des  femmes et des hommes, l’abolition de la peine de mort, la fin du nucléaire et la coexistence pacifique depuis plus de trente ans, n’est-ce pas priver les peuples fraîchement libérés d’un modèle culturel et politique qui s’accorde avec la charte des Nations unies ? N’est-ce pas inviter le régime iranien à avaler les islamistes des pays arabes pour les remodeler à sa façon et jeter des peuples aux fauves ?

3 – Alors que la majorité des députés demandaient dans leur déclaration la levée du blocus d’Achraf, camp qui abrite 3400 réfugiés iraniens, sans armes et sans défense, membre de l’OMPI, et d’assurer leur protection, ce déchainement de quelques ayatollahs à la Commission des affaires étrangères n’a-t-il pas été lu comme un feu vert au prochain massacre que prépare le gouvernement irakien avec son ultimatum de fermeture du camp le 31 décembre 2011, décidé sur ordre de Téhéran ? Il y a là une grave responsabilité dont il faudra répondre si jamais le pire venait à advenir.

En ignorant la formidable campagne de soutien international lancée pour sauver Achraf dans les Parlements de quarante pays du monde, et la pléthore d’hommes d’Etat, de dignitaires et d’élus et de citoyens qui se sont engagés à sauver ces 3400 résistants, dont 1000 femmes, ceux qui pensent aux intérêts des compagnies et non des nations jouent les boulets de la diplomatie française, l’empêchant de sauter dans le train de l’histoire, en se mettant aux côtés du peuple iranien et non de ses oppresseurs.

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